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12 mars 2019

Un atelier Beat box pour les troubles du langage à Saint Denis!

Cultures
Troubles du langage

/ Des ateliers de beatbox pour muscler les langues

L’orthophoniste Philippine Mignot co-anime avec le beatboxeur Svent des ateliers tous les mercredis après-midi au centre Simone Delthil. Un moyen pour les enfants participants de mieux maîtriser les sons qui sortent de leur bouche.

Le beatbox, l’art de faire de la musique avec sa bouche, peut faire des miracles chez les enfants qui ont des troubles du langage. C’est le pari qu’a fait l’orthophoniste Philippine Mignot. « J’ai découvert cette discipline du hip-hop aux championnats de France en octobre 2017 et je me suis dit que cela pourrait marcher avec un jeune avec qui je n’arrivais pas à faire de progrès sur son articulation », raconte-t-elle. Après quelques tests, elle commence en janvier 2018 à co-animer des ateliers avec le beatboxeur Kenôzen, au centre Simone Delthil de Saint-Denis. L’artiste ne pouvant venir qu’une fois par mois, il a passé le relais en septembre dernier au beatboxeur Svent, qui vient un mercredi sur deux.

La bouche devient boîte à rythmes

La première séance du mercredi se déroule avec Maïssa, malentendante âgée de 6 ans. « Qu’as-tu fait la semaine dernière ? », lui demande Svent. « POPOM ! », lui répond- elle avec une énergie pleine de malice. Svent se met à trier les cartes qui représentent les sons du beatbox. « Nous utilisons le système d’écriture Vocal grammatics, les images représentent une bouche de profil, avec des éléments visuels qui évoquent le son, comme la croix qui signifie une explosion par exemple », explique Philippine Mignot.  

Maïssa reconstitue avec assurance une série de cartes, qu’elle prononce en rythme en hochant la tête et balançant sa queue-de-cheval. Et c’est parti pour une série de « charley » (tss) et de « kick » (son de la grosse caisse). « Elle progresse très rapidement alors qu’elle n’entend que depuis juin grâce à un implant », confie Philippine, fière de sa petite protégée.

Svent complique les choses en passant au « humming », pratique qui consiste à faire sortir la voix par le nez, pour pouvoir allier une mélodie et les sons du beatbox faits avec la bouche. Maïssa n’y arrive pas. Ils essaient alors plusieurs techniques… Maïssa gonfle ses joues et Svent appuie dessus pendant qu’elle se concentre sur le humming. Progressivement, elle y parvient seule. Svent lui fait un check, la séance est finie ! La semaine prochaine, elle reverra tout cela avec Philippine.

À 14h30, c’est le tour de quatre adolescents de se confronter aux exercices de Svent. Les collégiens, âgés de 12 ans, Yassine, José et Djibrile, sont accompagnés de Will, qui a 17 ans. Ils installent leurs chaises face à Svent. Le beatboxeur dessine des sons au tableau. « Vous vous souvenez de celui-là ? » « Une moto en train de démarrer ! », répond José. Ils entonnent en boucle une série de sons. P T T P K T T P T T P T K T T T… Will n’est pas venu depuis longtemps à l’atelier. Timide au début, Svent l’encourage à beatboxer plus fort. Il aide également Yassine à mieux gérer sa respiration. José fait le fier car il est celui qui maîtrise le mieux le click, un claquement de langue. « Il faut séparer la langue du palais d’un coup », conseille Svent.

Une méthode ludique

« Ils ont des déficits auditifs et des troubles de l’articulation. Les exercices pour muscler la langue et améliorer sa tonicité sont assez limités et moins ludiques qu’une séance de beatbox », constate Philippine Mignot. « Le beatbox demande beaucoup de concentration, c’est comme s’ils apprenaient une nouvelle langue. C’est pour cela que l’on varie les activités », explique Svent. Ils forment désormais un carré et doivent se passer des sons. Place ensuite au jeu de rythme « hish kiki », une phrase qui se répète avec des intonations différentes, chacun doit émettre un son à son tour, et s’il se trompe, est éliminé. « On s’amuse, on rigole bien », confie José. Will s’est remotivé pour venir aux séances, « ça aide à parler, à améliorer l’articulation ».

La rééducation par le beatbox étant un succès, Philippine Mignot, Svent, et sept autres beatboxers se sont lancés dans la création d’un organisme de formation pour les beatboxeurs, orthophonistes, psychomotriciens… Dans le but d’essaimer d’autres ateliers.

Delphine Dauvergne

(Journal de Saint Denis)

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